Originalité ; son emploi dans la culture hip-hop
Il ne fait aucun doute, vous avez déjà entendu à maintes reprises le terme « original » sortir de la bouche de votre interlocuteur b-girl ou b-boy pour vanter les mérites de son style si particulier.
Autre exemple, en battle, vous avez fait face (oui, vous ! jury !) à ce même artiste, mécontent parce que vous n’avez pas été séduit par sa prestation. Et puisqu’il considère être plus original que son adversaire, il a la certitude que la victoire lui revient.
Cela étant, il n’est pas question ici d’une étude comportementale. C’est pourquoi, nous nous concentrerons sur le sujet principal à savoir : l’originalité.
Mais alors, qu’est-ce qui est original ?
Dans l’optique d’éclairer vos lanternes, je me suis penché sur la signification de ce mot à la place si importante dans la sphère hip-hop française voire partout ailleurs.
Prenons mot pour mot sa première définition dans le dictionnaire Larousse. Cet adjectif souligne une chose qui émane directement de son auteur ou de sa source, qui n’est pas une copie, une reproduction, une traduction, une refonte, etc…
En l’occurrence, suffit-il que telle chose vienne d’autrui pour qu’elle soit définie comme original ?
Je vois déjà vos yeux s’écarquiller et vos pensées traverser le globe qui vous sert à faire des Head spins[1], à tel point que vous vous dites ; « Quoi ? Tout le monde pompe depuis tout ce temps » ! D’ailleurs, vous vous en donnez à cœur joie en faisant ce grand geste les bras croisés histoire de dénoncer une copie. Alors, reprenons nos esprits deux secondes, je m’attarderai peut-être sur le sujet du plagiat une autre fois. Mais pour l’heure, arrêtons-nous sur le premier mot qui fait référence à la notion d’origine, qui tire sa provenance de quelque chose.
En réalité, le terme original est un synonyme du terme originel, c’est-à-dire, ce qui est en premier. Alors, comment pourrions-nous affirmer que nous sommes des êtres originaux si nous ne sommes pas les être originels de cette planète ?
[1] Tourner sur la tête, au sens propre du terme.
Des variantes, en veux-tu ? En voilà !
Connaissez-vous le premier b-boy à avoir réalisé plus d’un air flare (vrille) ?[2]
En sondant ma mémoire, je n’ai pas le moindre souvenir que ce dernier ait manifesté une quelconque volonté de breveter sa prouesse. Pourtant, la vrille apparait aujourd’hui comme une figure dénuée d’originalité dans la mesure ou de nouveaux b-boys l’auraient pimpé à coup de vrille un coude, vrille un bras, double vrille. Des variantes, en veux-tu ? En voilà ! #pimpmyairflare
Cela signifierait-il dire que les pionniers du breaking tels que Ken Swift, Mister Wiggles aux Etats-Unis ou bien Niko Noki de Paris City Breakers (pour ne citer qu’eux) ne seraient plus originales ? Il y a fort à penser que c’est un statut périssable au fil du temps. Si tel est le cas, comment le conserver ?
[2] L’américain Pablo Climax du groupe Soul Control fut le premier b-boy à réaliser plus d’une vrille à la fin des années 9O.
Des gens extras
Une autre définition tout aussi pertinente attache plus de crédit à la notion « d’extra » et pour cause, c’est ce qui se distingue du commun, qui sort de l’ordinaire. En somme, le terme original pourrait être assimiler à extraordinaire.
De même que les peintures de Pablo Picasso ou Michel-Ange sont immarcescibles, de même elles restent d’une originalité indiscutée. C’est cette valeur unique qui les distingue d’autres œuvres artistiques. En ce qui concerne notre culture hip-hop, les grands noms de la scène française tel que Junior ou Yaman[3] se distinguent également de la plupart des b-boys pour la simple et bonne raison qu’ils sont à l’origine d’une façon de se mouvoir, qui plus est, restent une source d’inspiration pour toutes les générations d’artistes de la culture hip-hop.
A propos du premier, il tire son extraordinaire talent du fait d’un handicap au niveau de ses jambes. Ce handicap moteur lui a imposé de compenser son manquement. En effet, les témoins oculaires ont pu constater qu’il utilise ses bras comme nul autre sur cette planète. La nature n’est-elle pas bien faite ?
Quant au second, il s’inspire de l’univers de Charlie Chaplin afin d’agrémenter ses bases déjà bien solides. Il est surtout reconnaissable par une danse qui glisse, pourvu que le sol se prête à la patinoire.
Ces deux bboys cassant les codes et faisant parti de la première équipe française à avoir remporté le Battle of the year en 2001 ont démontrés au monde du breaking que l’originalité corrèlerait davantage avec le fait de s’accepter telle que la nature nous avait conçu. Est-ce que le caractère original passerait par une acceptation de soi ?
[3] Junior Bosila et Yaman Okur, membres du groupe français Wanted Posse et vainqueur du Battle Of The Year 2001
Le goût est l’ennemi de la créativité. [4]
Au fur et à mesure de mon analyse, je comprends que tout individu est original par essence et de naissance tant il est vrai que ce mot tire son étymologie du mot origine. En résumé, tout b-boy et toute b-girl est original(e) en raison du fait que chaque personne est différente, du reste chacun est singulier.
A mon sens, ce que la génération des années 2000 défend comme étant le signe de leur originalité n’est qu’en réalité leur capacité à être créatif. En effet, la créativité est l’aptitude à inventer, imaginer, réaliser quelque chose de nouveau et d’original. Je le répète, chaque être humain est original. Cela dit, n’est pas créatif qui veut.
Selon moi, la mode est à la nouveauté ce que le style est à l’originalité. Autrement formulé, la mode se démode, le style reste comme le disais si bien la plus célèbre des créatrices de mode Coco Chanel. Alors, nul besoin de s’autoproclamer danseur original tellement cela coule de source. D’ailleurs, c’est une évidence pour les personnes qui ne connaitraient pas les codes de cet art si subtil.
Nous conclurons ainsi ; L’affirmation et l’acceptation de son style, c’est-à-dire de soi couplé à un effort considérable permet d’assoir son statut d’artiste original dans le sens d’un être extraordinaire.
[4] Citation du peintre Pablo Picasso