Le hip-hop aux J.O., un sujet controversé
Il n’y a qu’à regarder les spots publicitaires, les émissions de divertissement, dans les plus grandes avenues parisiennes, la danse y est omniprésente et le Hop-hip a pris part à cette aventure. La culture Hip-hop qui s’est frayée un chemin dans les quatre coins du globe depuis 60 ans est en lice d’évoluer vers un mouvement institutionnel. Nous sommes à l’ère où la danse Hip-hop dans sa globalité est davantage enseignée dans les écoles au détriment des maisons de quartiers.
Cette culture s’est démocratisée à une vitesse ahurissante, qui plus est séduit les néophytes en quête de découverte. Pour ce faire, les battles en particulier, ces défis de danse de rue ont contribué à rendre accessible les danses Hip-hop à l’échelle mondiale.
Dans ce premier article pour BREAKERS magazine, je tente d’apporter un regard certes subjectif, toutefois constructif selon moi, sur la place du breaking aux jeux olympiques. C’est ici un bref résultat de recherches et de réflexions sur le sujet.
Illustration : @pegatina_criolla
HIP-HOP OU L’ART DE LA CONTESTATION.
A l’orée de l’événement mondial qui réunira une trentaine de disciplines sportives, le break dance dit breaking y fera son entrée spectaculaire. Il s’agit bien des jeux olympiques de 2024 à Paris.
Cette danse née dans les rues du Bronx aux Etats-Unis dans les années 70 mettra de côté le bitume et les théâtres pour des stades flambant neufs de la couronne parisienne. Les spectateurs auront à coeur de voir brandir les drapeaux aux rythmes des hymnes nationaux.
Cependant, cette importante nouvelle a déchainé les passions au sein de la communauté Hip-hop, surtout depuis l’annonce officielle du comité international olympique (CIO) qui confirmera la participation du breaking aux jeux de 2024. Cela signifierait-il que le breaking aux JO n’est pas accueilli à bras ouverts par l’ensemble de cette communauté ? Si oui, quelles sont les raisons qui justifieraient cette réticence ?
Avant d’y apporter des éléments de réponse, rappelons-nous que la genèse du Hip-hop est en grande partie issue de mouvements contestataires puisque ses adhérents dénonçaient les injustices sociales, le rap en est l’exemple le plus criant. A l’image des grandes révolutions, le Hip-hop est porteur de messages forts, parfois à l’apparence violente dans son expression, il n’en demeure pas moins que l’issue reste toujours positive. En effet, les acteurs de cette culture pluridisciplinaire n’ont pas attendu l’aval des autorités compétentes des gouvernements pour faire valoir leurs droits, et surtout, de prendre la parole par le mouvement.
Résultat des courses, la participation du breaking au JO serait-elle une réponse à ces revendications ?
SI LE BREAKING EST A L’HONNEUR AUX JO DE 2024, EST-IL DEVENU UN SPORT ?
Cette danse fluide et à la fois saccadée qui réagit aux rythmes effrénés des compositions de DJ’s est considérée comme un Art avec un grand « A » par ses pères fondateurs et par les acteurs de la communauté
Hip-hop en raison du fait qu’elle fait partie d’un ensemble de disciplines. Nous les énumérerons plus loin. Alors, quelques questions subsistent ! Si le breaking est à l’honneur aux JO de 2024, est-il devenu un sport ? L’a-t-il toujours été ? Pour répondre à cette question, il serait intéressant de connaître les racines des deux termes qui se confrontent depuis tant d’années, à savoir l’art et le sport.
Commençons par le mot ‘sport’. Si l’on se réfère à la définition du Robert, le sport est une activité physique exercée dans le sens du jeu et de l’effort, et dont la pratique suppose un entraînement méthodique et le respect de règles. C’est en ce sens que le breaking est assimilé à une pratique sportive tant il est vrai qu’il nécessite un effort considérable, du reste une grande motivation. Dans ces conditions, on pourrait affirmer que le breaking répond largement à la définition citée tantôt.
En revanche, qu’en est-il de ‘l’art’ ? Si l’on en croit Robert une seconde fois, sa première définition nous dit que l’art est un moyen d’obtenir un résultat. Il précise que ces résultats s’acquièrent par l’effet d’aptitudes naturelles. Dans ce cas, nous pouvons considérer que le respect de règles établies par un individu comme une loi, un cahier des charges n’est pas fondamental.
Par exemple, le solfège est une méthode qui permet d’apprendre la musique grâce à des exercices de lecture et d’audition musicale. Pourtant, le célèbre guitariste Jimmy Hendrix n’y a jamais eu recours, de plus il est reconnu comme l’un des meilleurs musiciens du 20ème siècle. En effet, l’histoire a démontré que les plus grands artistes s’étaient affranchis des règles.
En somme, les artistes savent écrire leurs propres règles. Ce constat est semblable aux bboys puisque le monde du Hip-hop leur permet de créer, de réinterpréter, de se réinventer sans cesse. C’est pourquoi, les meilleurs bgirls et bboys sont plus différents les uns les autres, ce qui accentue leurs authenticités.
Toutefois, là où les règles peuvent aussi limiter l’esprit d’initiative, elles restent des socles, des fondations solides.
HIP-HOP ET COUBERTIN, UNE HISTOIRE COMMUNE.
Revenons aux jeux olympiques ! Saviez-vous que les musiciens y concouraient entre 1912 à 1948. Il était question de compétitions artistiques dans lesquelles nous retrouvions également l’architecture, la littérature, la peinture et la sculpture. Ce pentathlon des muses corrèlerait à peu de chose près aux 5 disciplines de la culture Hip-hop qui sont le rap (ou MCing), le DJing, le breaking (ou b-boying) et les top dance (danse debout),le graffiti, le beatboxing.
Est-ce un signe que le Juste Debout, la plus grande manifestation de danse debout, ait vu le jour au gymnase
Pierre de Coubertin à Paris ? Pierre de Coubertin, célèbre pédagogue et historien français souhaitait que les participants et les spectateurs de cette grande manifestation puissent profiter d’expériences sensorielles inédites étant donné que les épreuves artistiques nécessitaient une plus grande sensibilité et une ouverture d’esprit. Le plus intéressant est le rapport entre ces disciplines artistiques les disciplines de la culture Hip-hop qui se reflète tel un individu devant son miroir.
Cela étant, ces disciplines artistiques ont été retirées des jeux en 1948 pour la simple et bonne raison que les artistes n’y voyaient pas d’options de professionnalisation, de plus les jeux olympiques restaient une compétition amateure. Les architectes ou des musiciens étaient surchargés à tel point que les jeux olympiques ne trouvaient plus de créneaux dans leurs agendas.
Ces deux groupes de disciplines citées dans le tableau ci-dessus ne semblent pas si différents. Toutefois, côté jeux de 1912 à 1948 l’aspect culturel est défendu, alors que côté breaking, c’est le ministère chargé des sports qui le sponsorise.
Il est certain d’une chose, l’histoire se répète sans cesse. Et pour cause, les mêmes interrogations s’étaient révélées par le passé avec les arts martiaux tels que le karaté, le judo ou bien le BMX dans un autre registre.
Enfin et contrairement au DJing, au rap ou au graffiti, le breaking se trouve être le meilleur candidat pour les jeux olympiques du fait que cette discipline est en vogue de nos jours. Comme énoncé plus haut, le breaking est de lus en plus vulgarisé dans l’espace public. Également, les bgirls et bboys ont développé des mouvements acrobatiques à telle enseigne que l’amalgame, je dirais même l’alliance entre artiste et sportif est devenu envisageable.
Un art qui transcende les règles
Le mouvement Hip-hop s’est installé dans notre société compte tenu du fait que ses acteurs ont réussi à lui donner un sens à travers ses valeurs universelles « Peace, Love, Unity and Having Fun ». C’est en ce sens que le danseur Hip-hop est un artiste puisqu’il vit le moment présent, laisse parler ses émotions. J’aime à penser que les b-boys des seventies aux USA avaient dérogé aux règles étatiques lorsqu’ils dansaient dans la rue sur un morceau de carton avec le sound system résonnant à fond. En clair, ils avaient pris tant de risques pour dénoncer leurs situations précaires. Il est certain que nous profitons de leur héritage grâce à leurs actions du passé.
Par ailleurs, les règles régissent notre monde. Nous subissons les lois de la gravité sans même les réfuter. Pour autant, les avions et autres fusées transgressent ces lois. Il en est de même pour les bboys qui tiennent en équilibre sur une main, font des tourbillons à coup de vrilles, coupoles ou bien exécutent des jeux de jambes accroupis (footwork).
Si le breaking tend à devenir un sport pour les férus de compétitions, il contribue au dépassement de soi de ses athlètes. Par ailleurs, il continuera à raisonner comme l’art des amoureux de la culture Hip-hop. Au même titre que Jimmy Hendrix cité plus haut, la scène Hip-hop française a connu des bboys qui ne sont plus à présenter.
Membre du célèbre groupe Aktuel Force et réputé pour être l’un des pionniers du break à la française après Paris City breakers, d’un côté nous avions Karim Barouche mondialement connu pour son touché et l’esthétique de ses mouvements. De l’autre côté, bboy Tonio des groupes Total Feeling et Inesteam, débordant d’énergie, qui se laissait emporter par la musique pour vivre pleinement l’instant présent.
Ces défunts nous laissent avec une vision, celle d’un art qui transcende indéfiniment les règles et quel que soit l’endroit où il se manifeste, que ce soit aux jeux olympiques et ailleurs.
Pour @breakerscc